Traces et mémoire.

Je suis née à Ixelles ( Belgique). Trois sources  viennent  alimenter  mon travail de peintre contemporain : la psychanalyse , mon goût pour la mythologie et la nature.Ma filiation artistiques est , tant par la manière que les thématiques Twombly . Je fais   l'usage de l'abstraction oscillant vers une esquisse de figuration. En tant que peintre , il me semble déterminant d’évoquer la nature fugace et fragile de l'existence humaine , tiraillé entre le courant de l'amour (Éros ) et le courant de  mort et destruction  (Thanatos) .En 2006 , un travail  de dessins à  l'aquarelle intitulé "Traces de coquelicots " a été remarqué lors du parcours d'artistes de Saint-Gilles .Ce travail de remémoration figurée des horreurs de la guerre 14-18  a été également  distingué  pour une  plaque commémorative  par la commune de Saint-Gilles en 2018 .En 2015, une série  peintures monochromes à l'huile sur papier toilé a été présenté à la galerie Artitude de Bruxelles. A cette occasion , un ouvrage a été réalisé avec le philosophe Jacques Sojcher. Depuis , j'ai illustré  un recueil de poésie de Jacques  Sojcher  par des dessins  à l'encre de chine et aux pigments .Mon travail  de dessins intitulé " Soleil trompeur" sur la guerre et l'impassibilité de la nature face aux horreurs humaines a été présenté au Brass.Ma première installation , lauréate d'un appel à projet sur le thème "Urban nature" a été primé  cette même année  à la Maison des cultures de Saint-Gilles.

En 2019 , un week-end de lecture , de peinture  live, d'exposition de peinture  a été organisée avec Jacques Sojcher et Jean Dalemans.Enfin  en 2020,  j'ai présenté une série de grandes peintures aux pigments et de dessins en petits formats à l'encre de Chine   " Souvenirs d'amour perdu "lors d'un séminaire sur le deuil.

En  2021  , année de pandémie ,  des dessins ont été choisi pour le blog  psychanalytique Pipol  pour une conférence internationale online .L' exposition " Fantaisies  végétales" en  novembre 2021 fête  la réouverture de mon atelier .J' y ai présenté de petites toiles aux pigments et à l'huile ainsi que dessins sur papier .2022 sera riche en événements  divers:  participation à une exposition collective à la basilique de Koekelberg , présentation  au parcours d'artistes de la dernière série de peintures et de dessins en cours  sur les morts sans sépultures.

Paysages d'amour perdu.

L'amitié se situe en filigranes de cette série « Paysages d'amour perdu ».

Un soir d'été magnifique, dont on sait que la beauté va disparaître, avec la nuit, je suis avec Charlotte.

Nous sommes assises toutes les deux dans mon jardin. « il est là « me dit-t- elle, « il est ici dans ce jardin ».

La présence de l'absence, dans la douceur de l'air, c'est sans doute cela, notre conversation sur l'absent, la promesse de Charlotte d'écrire non pas sur cet amour mais sur ces possibles paysages d'amour perdu, sur mon travail de peintre, qui ont cheminé en moi.

Ces paysages d'amour perdu, je les ai portés quatre ans en moi, en une longue gestation, une très longue gestation.

Le décès de Michel, laissa une sorte de désertification intérieure.Je me mis à créer dans d'étranges conditions : il me fallait du brouhaha, de l'agitation : je dessinai au travail pendant les réunions d'équipe, à l'encre et au crayon.

Quelques mois passèrent. Je me remis à la peinture. Mes abstractions se firent autres. J'utilisai l'huile que j'avais négligé jusque - là et j'utilisai des couleurs très inhabituelles pour moi : le bleu et le vert. Couleurs d'éternité me dit-t-on.

Je parlais peu de cette mort. Je parlais peu de cet homme qui avait été un vecteur dans ma vie.

Ma vie reprit. La vie reprit . Je tombai même amoureuse. La peinture après quelques mois ,se remis à rejaillir dans mon style habituel : du rouge ,des déclinaisons de blancs , de gris, de noirs sur de grands papiers .

J'oubliai ma période verte et bleue.Je ne voulais pas montrer mes dessins noirs .

Noirs desseins.

Soleil noir de la mélancolie .Brouillards, paysages brouillés , nuages ur la dune , vents sur la mer ...

Des fragments épars de mémoire ,impressions de nuages et de vents ,dans les Highlands ou la mer du Nord , lieux de cet amour perdu.

Et le temps passa.4 ans.Je suis douée pour la vie , douée pour renaître de ses cendres , cendres d'un deuil que je n'habitais que dans ma peinture.

La peinture ; quelques traits ,quelques traces, de qui ?De quoi ?Une existence mêlé à une autre , des serments inachevés , parfois trahis ,des voyages ,des heures passées dans les dunes ,au bord de la mer ,dans les champs ,des heures de silence ,des heures de conversation ,des errances dans les villes et les îles que nous formions.

La peinture m'a permis de vivre la perte hors de moi, à partir du pinceau et de la trace.

Combien elle est dérisoire et pourtant nécessaire, la trace. Car l'oubli est tenace et puissant. La noirceur vient me rappeler à contrario les myosotis, le bleu des yeux de celui qui a disparu .

Rachel Silski 2019-2020.